Les banques de semences au Maroc : Préserver la biodiversité agricole pour la résilience
Le Maroc a plusieurs importantes banques de semences couvrant les institutions publiques, les centres internationaux, les groupes communautaires et les entreprises privées. La Banque nationale de gènes du Maroc (INRA, Settat) – opérée par l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) – est la banque de gènes phare du Maroc. Établie en 2003 au Centre régional de l’INRA à Settat, elle détient plus de 72 000 accessions de semences (en 2023) de cultures et d’espèces sauvages apparentées. Les collections principales incluent des variétés traditionnelles de blé, orge, avoine, maïs, tournesol, vesce (Vicia), riz, lentilles, pois chiches et autres légumineuses. Cette banque de gènes affiliée au gouvernement a pour mission de « collecter, conserver, caractériser et utiliser durablement les ressources phytogénétiques ». Elle soutient la sélection végétale marocaine en distribuant environ 300 à 500 échantillons de semences par an aux sélectionneurs et chercheurs de l’INRA. La banque de gènes de l’INRA collabore étroitement avec des organismes internationaux (comme CGIAR/ICARDA) et a dupliqué une partie de sa collection dans le Svalbard Global Seed Vault pour plus de sécurité. (Site Web de l’INRA)
En mai 2022, le Maroc a inauguré la Banque de gènes d’ICARDA Maroc à Rabat, une banque internationale sur les cultures des zones arides gérée par le centre ICARDA du CGIAR. Située sur le campus de l’INRA à Rabat-Ifrane (Avenue Hafiane Cherkaoui), cette installation moderne a été construite avec le soutien du gouvernement marocain, de l’INRA, du Global Crop Diversity Trust et d’autres. Elle a une capacité allant jusqu’à 150 000 échantillons de semences à moyen terme et abritait environ 110 000 accessions de blé, orge, pois chiches, lentilles, fèves et autres cultures de zones arides en 2024. La banque de gènes d’ICARDA conserve l’une des collections les plus vastes au monde de ces cultures – environ 95 000 accessions provenant d’Afrique du Nord et du Croissant fertile. De manière importante, ICARDA resème et multiplie aussi ce matériel pour la sélection variétale : ses scientifiques utilisent ces gènes pour développer de nouvelles variétés résistantes à la sécheresse et aux maladies, pour les agriculteurs marocains et internationaux. La banque de Rabat a remplacé le siège syrien d’ICARDA et est devenue « la plus grande collection de semences en Afrique du Nord ». (Site Web d’ICARDA)
Ressources publiques supplémentaires
En lien avec ces efforts, le Maroc construit un nouveau Centre National des Ressources Génétiques près de Rabat (prévu opérationnel vers mi-2024) qui regroupera les banques de gènes végétales, animales et microbiennes. Les initiatives publiques incluent aussi des agences spécialisées telles que la SONACOS (Société Nationale de Commercialisation des Semences), qui supervise la distribution des semences certifiées de céréales et de fourrages – bien que la SONACOS soit davantage une entreprise commerciale qu’une banque de gènes. Globalement, les institutions gouvernementales et de recherche dirigent la conservation formelle de la diversité des cultures au Maroc.
Banques de semences communautaires et ONG
Au-delà des banques de gènes officielles, des initiatives locales préservent le patrimoine semencier. Par exemple, la Fondation Dar Si Hmad (une ONG marocaine) a lancé une banque de semences écologique communautaire à Sidi Ifni (région de Guelmim) en 2021. Cette banque collecte et stocke des variétés indigènes résistantes à la sécheresse de légumes, de céréales et de fourrages provenant de tout le Maroc (et même d’Europe). En mettant l’accent sur les semences traditionnelles, elle fournit aux agriculteurs locaux des cultures adaptées à la région et offre des formations sur la conservation des semences, contribuant ainsi à restaurer les oasis dégradées et à améliorer les moyens de subsistance.
De même, l’Association Marocaine pour la Biodiversité et les Moyens de Subsistance (MBLA) soutient des banques de semences communautaires dans les montagnes du Haut Atlas. À des endroits comme Oukaïmeden (province d’Al Haouz), le MBLA et les communautés amazighes locales ont créé une pépinière et une banque de semences qui conservent plusieurs centaines de variétés locales (ex : thym, lavande, blé traditionnel). Les agriculteurs peuvent y déposer et échanger leurs semences. À ce jour, le réseau du MBLA a permis de conserver environ 500+ variétés locales, en autonomisant les femmes et les jeunes des zones rurales. (mblaassociation.org | Email : [email protected])
Entreprises privées de semences et distribution
Plusieurs entreprises privées au Maroc maintiennent également des collections de semences substantielles (à des fins de sélection et de commercialisation) et fournissent aux agriculteurs des variétés certifiées. Agrin Maroc (basée à Fès) est l’un des plus grands producteurs de semences, spécialisé dans les herbes, les épices et les légumes. Ses opérations couvrent la multiplication des semences et la distribution à l’échelle mondiale, fournissant des variétés certifiées de cultures comme la tomate, la carotte et l’oignon. (Site : agrinmaroc.ma)
MAS Seeds Maroc (filiale du groupe coopératif français Maïsadour) est un autre acteur majeur : avec plus de 75 ans d’expérience, elle produit des hybrides de céréales et de fourrages (maïs, tournesol, luzerne) pour les agriculteurs marocains. MAS Seeds se positionne comme un fournisseur de « semences de haute qualité » visant à améliorer les rendements et la sécurité alimentaire tout en promouvant l’agriculture durable. (masseeds.ma)
Importance pour la préservation des cultures et la résilience
Les banques de semences au Maroc jouent un rôle crucial dans la sauvegarde de l’agrobiodiversité et l’assurance de la résilience agricole. En stockant des variétés traditionnelles et des espèces sauvages apparentées, elles conservent les traits génétiques nécessaires pour sélectionner de nouvelles cultures adaptées à la chaleur, à la sécheresse, aux ravageurs ou aux maladies. Comme l’a noté le directeur d’ICARDA à Rabat, les banques de gènes « conservent l’une des collections les plus uniques et vastes au monde de blé, d’orge, de pois chiches… » et soutiennent la sélection de « solutions domestiques robustes » aux aliments importés. Face aux récentes sécheresses et chocs climatiques sévères, les experts soulignent que « les banques de gènes sont les fondations de systèmes alimentaires résilients face au climat ». Les semences conservées – qu’elles proviennent de l’INRA, d’ICARDA ou des banques communautaires – représentent des caractères (comme la tolérance à la chaleur ou au sel) qui peuvent être mobilisés pour maintenir les rendements agricoles malgré les stress environnementaux croissants.
En résumé, le réseau marocain de banques de semences – qu’il soit gouvernemental, international ou communautaire – constitue une base critique pour une agriculture durable. Ces institutions conservent la diversité génétique du blé, de l’orge, des légumineuses, des légumes traditionnels, des épices et autres cultures, soutiennent la recherche et le développement de variétés améliorées, et aident à réduire la dépendance vis-à-vis des importations. Face à l’intensification du changement climatique, ces institutions seront essentielles pour renforcer la sécurité alimentaire au Maroc et dans les régions arides d’Afrique du Nord.