Stratégies et initiatives gouvernementales
Le Maroc a lancé en 2020 la stratégie Forêts du Maroc 2020-2030, un plan national ambitieux pour réhabiliter ses écosystèmes forestiers. Cette stratégie, placée sous l’égide du Roi Mohammed VI, fixe l’objectif de porter la superficie reboisée à 600 000 hectares d’ici 2030, avec une montée en puissance progressive des campagnes de plantation (50 000 hectares/an en début de période pour atteindre 100 000 hectares/an à l’horizon 2030). Elle favorise une gestion participative, impliquant les communautés locales, et vise aussi la création d’emplois verts (jusqu’à 27 500 emplois directs liés au programme). En application de ce plan, l’Agence nationale des eaux et forêts (ANEF) a été instituée (loi 52-20) pour coordonner l’action forestière, et des marchés-cadres pluriannuels de plants ont été instaurés afin de garantir la qualité des semis et d’étaler l’investissement des pépiniéristes.
Campagnes nationales de reboisement
Chaque année, l’ANEF lance une campagne de reboisement sur tout le territoire. Par exemple, la campagne 2023-2024 a été inaugurée en janvier 2024 à Kénitra. Elle prévoit la plantation de milliers d’hectares selon les quotas régionaux (2 000 ha seulement pour la région Rabat-Salé-Kénitra lors de cette campagne). L’ANEF s’appuie sur des pépinières modernisées (utilisation de « tourbe » pour améliorer la substrat des plants) et prévoit la production à long terme de 500 millions de plants forestiers de diverses essences pour répondre aux besoins du programme national. Pour garantir l’approvisionnement, 104 sites semenciers d’espèces autochtones (cèdre, chêne-liège, arganier, thuya…) ont été identifiés, avec un premier budget de 12,5 millions de dirhams pour 15 sites pilotes.
Malgré ces efforts, les premiers bilans montrent que les ambitions peinent à être atteintes. Entre 2020 et 2023, seuls environ 75 000 hectares ont pu être reboisés – soit seulement 38 % de l’objectif fixé sur cette période. En 2024 encore, environ 70 000 hectares ont été plantés selon les dernières annonces, ce qui reste en dessous du rythme souhaité.
Les experts soulignent aussi que la baisse du couvert forestier reste préoccupante : par exemple, Global Forest Watch rapporte une perte d’environ 3 500 ha de forêt en 2023 au Maroc, liée aux incendies et à l’érosion (plus de 10 000 ha perdus en 2022) malgré les opérations de reboisement.
Le financement de ces programmes provient majoritairement du Fonds forestier national, qui représentait près de 70 % du budget de l’administration des eaux et forêts en 2016. Toutefois ce fonds seul ne suffit pas à couvrir tous les besoins de reforestation, raison pour laquelle le Maroc mobilise aussi des prêts internationaux (par exemple, un accord de financement de 100 millions d’euros a été signé avec la Banque européenne d’investissement pour moderniser le secteur forestier et la gestion des bassins versants) et encourage les investissements privés dans le secteur forestier.
Initiatives des ONG et partenariats
Outre l’action publique, de nombreuses ONG et fondations soutiennent le reboisement au Maroc. Par exemple, la Fondation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement (sous l’égide de la Princesse Lalla Hasnaa) mène plusieurs programmes de restauration écologique. Dans le Sud-Ouest, la Fondation a financé la plantation de 4 300 jeunes arganiers sur 13 hectares à Tamsirt (province d’Essaouira) dans le cadre d’un projet de restauration de l’arganeraie. Ce projet, en partenariat public-privé (avec le groupe français Pierre Fabre), s’inscrit dans une stratégie nationale de replantation de 20 000 ha d’arganiers et vise à renforcer les ressources locales et les revenus des populations agricoles.
Des ONG environnementales locales sont aussi très actives. Par exemple, le programme PPI-OSCAN coordonné par l’UICN a financé en 2024 un projet de l’Association Forum Karyati visant à restaurer les palmeraies d’oasis du Sud marocain. Ce projet « Renaître des Sables » a formé 30 agriculteurs (dont 10 femmes) aux techniques de gestion durable des palmiers et a permis de planter 400 jeunes palmiers dattier pour revitaliser les exploitations à Akka-Tata. Ce type d’action communautaire, soutenue par des financements internationaux (Fonds Français pour l’Environnement Mondial, fondations MAVA, Sigrid Rausing…), illustre l’importance de l’approche participative : les bénéficiaires locaux participent activement aux plantations et à la surveillance des reboisements.
Exemples de projets communautaires
Oasis d’Akka-Tata (Sud)
Au cœur de l’Anti-Atlas, les palmeraies oasiennes constituent un patrimoine vital. Le projet « Renaître des Sables » soutenu par l’UICN vise à restaurer les palmeraies d’Akka-Tata (province de Tata) en replantant des palmiers et en formant les paysans locaux. Grâce à ce projet, 400 palmiers dattiers ont été plantés et 30 agriculteurs ont été formés aux pratiques durables, contribuant à la lutte contre la désertification dans cette région.
Arganeraie d’Essaouira (Sud-Ouest)
L’arganier est emblématique du Sud-Ouest marocain. Au-delà de l’huile précieuse qu’il produit, il joue un rôle écologique majeur. En novembre 2009, une opération de reboisement a planté 4 300 arganiers sur 13 hectares dans la commune de Tamsirt (Essaouira). Ce projet, initié par la Fondation Mohammed VI en partenariat avec des institutions locales, illustre un modèle de reboisement communautaire : les bénéficiaires locaux ont reçu les plants d’arganier et les moyens techniques nécessaires. Ces plantations d’arganiers (espèce adaptée à la sécheresse) renforcent la végétation de l’arganeraie et la résilience des sols, tout en créant des emplois verts pour les populations rurales.
Forêts de cèdres du Moyen Atlas
Les forêts de cèdre de l’Atlas (Haut et Moyen Atlas) ont également fait l’objet de programmes de régénération. Par exemple, des associations locales du Moyen Atlas (comme le réseau des Amis de la Cédraie d’Ifrane) collectent des semences de cèdre et conduisent des reboisements participatifs. Le plan national prévoit de reboiser du cèdre, ainsi que d’autres essences autochtones plus résistantes (thuya du Maroc, chêne-liège…), souvent accompagné de techniques innovantes de gestion de l’eau (système « Waterbox ») pour optimiser l’arrosage dans les zones difficiles. Ces projets communautaires bénéficient du soutien de partenariats public-privé et d’institutions scientifiques (par exemple des collaborations avec l’Organisation de la mise en valeur du Barrage d’Al Massira pour la cédraie).
Données récentes et résultats
Au final, la surface reboisée cumule plusieurs dizaines de milliers d’hectares, mais reste loin de l’objectif 2030. Les campagnes récentes (2023-2024) ont permis de planter près de 70 000 ha selon l’ANEF, et la production de semis forestiers est montée en puissance (40 millions de plants prévus pour la région Rabat-Salé-Kénitra d’ici 2030, avec 1,8 million utilisés en 2023-24). Le bilan climatique reste mitigé : la régénération annuelle artificielle est estimée à une fraction du recul naturel (dégradation de 17 000 ha/an en moyenne du fait de la sécheresse et du surpâturage). Ainsi, en 2023 le Maroc a perdu 3 500 ha de couvert forestier, selon Global Forest Watch. Les reboisements se concentrent sur des essences adaptées (cèdre, arganier, acacia, etc.), et les incitations financières (compensations pour les éleveurs, budget régional) visent à impliquer les populations locales dans la protection des jeunes plantations.
En termes de financement, on mentionne notamment l’intervention du Fonds forestier national (principal budget de l’administration forestière), ainsi que des subventions spécifiques (7 millions de dirhams d’aides financières aux associations forestières dans certaines régions). À l’international, le Maroc a obtenu un prêt de 100 M€ du BEI pour moderniser son secteur forestier et renforcer la conservation des forêts et des bassins versants.
Références scientifiques et institutionnelles
Plusieurs rapports et études soulignent ces enjeux. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) du Maroc a publié en 2022 un avis détaillant les menaces sur les écosystèmes forestiers (exploitation illégale, surpâturage, incendies) et recommandant d’intensifier le programme de reboisement national. Au niveau international, la FAO et l’UICN soulignent l’importance de ce plan stratégique et fournissent des itinéraires techniques pour optimiser les plantations (choix des essences, suivi géo-référencé, utilisation de semences améliorées). Les données actualisées du Global Forest Watch et des communications nationales sur le climat confirment également le besoin urgent de restaurer le couvert arboré pour lutter contre la désertification et le changement climatique.